Interview: Raquel Solórzano et Juan Pablo Pacheco - Plataforma Bogotá | Artbox Digital

Interview: Raquel Solórzano et Juan Pablo Pacheco – Plataforma Bogotá

Plataforma-Bogota_Lab

Plataforma Bogota
À la rencontre de Plataforma Bogotá, le centre de création numérique colombien qui accueillerait l’artiste lauréat du concours d’art numérique Africa ArtBox.

Pouvez-vous nous dire comment Plataforma Bogotá a commencé et quel était le contexte local quand il a été initié ?

Plataforma Bogotá est un laboratoire d’art, de sciences et de technologie interactif, axé sur l’exploration d’une série de problématiques variées usant d’une approche interdisciplinaire et inclusive. C’est un espace de création dans lequel on fait la promotion du libre accès à la production, la recherche, la formation et le partage en matière d’art, de sciences et de culture numérique.
Quand Plataforma a commencé ses activités en 2011, il y avait déjà des espaces dans ce domaine, mais ils étaient pour la plupart la propriété d’universités et d’associations privées, ce qui réduisait la portée potentielle de ces espaces. C’est pourquoi Plataforma Bogotá, qui appartient à la ville Bogotá, est un espace public, disponible comme plateforme libre d’accès pour ceux qui travaillaient déjà dans le domaine. Même si Plataforma Bogotá n’a pas été le premier à lancer la discussion et susciter l’intérêt autour des intersections entre art, sciences et technologies, il est vraiment devenu un important espace central de rencontres dans lequel ces idées et ces efforts ont eu plus de visibilité, ont été collaboratifs et ont été plus largement étendus.

Est-ce qu’il y avait une masse critique d’artistes qui travaillaient avec les outils numériques et y réfléchissaient, ou est-ce qu’il a d’abord été nécessaire de promouvoir  et de former de nouveaux artistes et des chercheurs dans ce genre de production artistique ?

La Colombie a une très forte communauté d’artistes visuels, notamment, qui avaient expérimenté les possibilités des media analogiques et numériques. Cette communauté fut pionnière dans le travail avec les technologies digitales. Mais depuis sa création en 2011, Plataforma Bogotá a offert un espace pour renforcer la communauté qui n’avait pas d’espace physique ou de subventions dédiées directement aux arts basées sur la technologie.
Plataforma a offert un espace pour les projets interdisciplinaires touchant par exemple les sciences appliquées, les arts, les sciences humaines, les sciences sociales, les maths, la physique, etc., et elle a introduit le système de laboratoires expérimentaux, une nouvelle façon de comprendre la recherche artistique. Plataforma a favorisé la connexion entre les différentes générations d’artistes qui travaillaient jusqu’à là dans le domaine de l’art, des sciences et de la technologie, notamment au niveau national et de l’Amérique Latine.

Quel statut avait Plataforma Bogotá ? Était-il public ou était-ce une entité indépendante, puisqu’elle recevait l’appui du Maire de Bogotá ? Est-ce qu’il y avait des politiques en faveur des arts contemporains au niveau de la ville ? Quel est le lien avec les politiques de développement de la ville de Bogotá ?

Plataforma Bogotá a été le premier et le seul media lab de Bogotá, qui a commencé a fonctionner à partir de 2011 avec la direction et la production de contenus de Andrés García La Rota, bénéficiant de l’aide de la direction des arts visuels de la fondation Gilberto Alzate Avendaño. Depuis 2017, Plataforma fait partie d’IDARTES (Institut des arts de la ville de Bogotá), ainsi que du plan stratégique sur les arts, la culture, la technologie, la culture scientifique et la cité, qui est maintenant sous la coordination d’Andrés. Nous (Raquel et Juan Pablo) avons commencé à co-diriger Plataforma depuis cette année. Ce nouveau plan stratégique -qui fait partie du plan culturel et de développement de la ville en a fait le premier espace officiel dédié aux pratiques intersectorielles en matière d’art, de sciences et de technologie, a accordé des subventions multidisciplinaires ouvertes au public et a lancé des projets comme Plataforma, un réseau de radios et télévisions expérimentales, des séminaires, des ateliers et autres. La ville a tenté de créer des politiques publiques ces dernières années qui favorisent les opportunités pour les citoyens de s’approprier de l’espace public, mais aussi d’intégrer les arts dans le fonctionnement des paysages urbains. Il reste encore beaucoup à faire, mais plusieurs projets ont été financés qui contribuent à atteindre cet objectif.

Quels sont les objectifs, programmes de travail et principales réalisations de Plataforma Bogotá jusqu’à présent ?

La chose la plus importante que Plataforma a réalisée fut d’ouvrir pour la première fois en Colombie, un « espace de réflexion 2.0 et de live thinking, dans lequel les champs d’expérimentation et l’incertitude sont vus comme des espaces positifs pour la création et la recherche », comme Andrés García La Rota l’a dit. Nous avons réussi à le faire par le biais de laboratoires interactifs, développant les notions de culture 2.0, qui implique plus de pratiques interactives, participatives et expérimentales. Notre objectif principal est la création d’espaces d’échanges libres et transdisciplinaires, opportunité ouverte à toute la ville et aux autres collaborateurs sur le plan national et international. Nous visons l’interdisciplinarité avec la participation des populations de tous âges et profils professionnels confondus dans le but de créer des modèles et des prototypes opérationnels et artistiques.

Quel sont les artistes et professionnels qui participent à vos programmes ? Comment sont-ils sélectionnés ?

Nos programmes sont gérés, proposés et/ou fréquentés par des hackers, des développeurs, des programmeurs, des designers venant de tous les domaines, des artistes du son, des artistes visuels, des archéologues, des anthropologues, des philosophes, des architectes, des urbanistes, des biologistes, des ingénieurs chimistes, des ingénieurs des systèmes, des designers d’instruments… Les profils des artistes et des professionnels qui coordonnent et participent à nos laboratoires sont très variés et hétérogènes, en fonction des types de laboratoires concernés. Si vous jetez un coup d’œil sur notre site web, vous y verrez des laboratoires sur des thèmes allant de la nourriture, comme celui du “Bogofagias”, ou de l’eau comme matière plastique, électronique et scientifique, du laboratoire interactif sur l’eau, ou du développement de textiles ou de vêtements intelligents. Nous avons aussi eu une série de thèmes urbains tels que le laboratoire “Calle 22” et aussi celui de l’écriture expérimentale à l’aide de plateformes web.
Nous développons des activités qui sont des initiatives de l’équipe de Plataforma, mais la plupart des laboratoires sont proposés par le grand public et sélectionnés chaque année par un jury invité par IDARTES. Toutes nos activités sont gratuites et nos appels à participation sont publics. Ensuite, des professionnels et des artistes chargés de diriger les ateliers choisissent la cohorte de participants qu’ils jugent appropriée, en se basant sur les profils spécifiés dans l’appel. Vous pouvez parcourir notre dernier appel à candidatures et voir comment nous procédons sur ce lien (en espagnol) : http://www.idartes.gov.co/noticia/invitacion-publica-irrupcion-theremin.

Pouvez-vous nous décrire comment les laboratoires et autres activités se passent?

Chacun de nos laboratoires propose une approche croisée et transdisciplinaire pour la connaissance et la création, offrant la possibilité d’expérimenter et d’échanger en matière de pratiques et de connaissances, aussi bien sur le plan académique que non-académique.
Plataforma est un espace qui initie des projets et développe les prototypes artistiques, scientifiques et technologiques issus de chaque expérience au sein de l’espace laboratoire. Plus d’une fois, de nouveaux projets sont nés de ces expériences et des ces rencontres de personnes ayant des intérêts de recherche communs. C’est cet espace que facilite Plataforma, qui permet les échanges, la consolidation et la création d’une communauté autour d’intérêts transdisciplinaires et d’une soif de recherche expérimentale.

Est-ce que la collaboration avec le concours Africa ArtBox est la première expérience de Plataforma Bogotá sur le continent africain ?

Jusqu’à présent, Plataforma Bogotá s’est concentré sur le renforcement de sa présence en Colombie et en Amérique Latine. Cependant, nous planifions de nouveaux projets qui incluent la collaboration avec d’autres régions du monde. Avec ce projet Africa ArtBox, c’est la première fois que nous collaborons avec l’Afrique, quelque chose qui a beaucoup d’importance à nos yeux et qui est nécessaire en vue de développer la connexion entre des institutions similaires, publiques et privées, à travers le monde.
Créer des espaces où les artistes peuvent se rencontrer et faire de sorte que la personne primée par ce concours puisse faire une résidence a Plataforma Bogotá nous permettra de construire des connections en tant que parties de l’axe Sud du monde, de créer des espaces de partenariat, de nouvelles explorations, des synergies et de nouvelles relations symboliques. Nous pensons que nous avons beaucoup à partager.

Qu’est-ce que cela signifie pour Plataforma Bogotá de participer à ce concours d’art numérique africain ?

Le domaine de l’art numérique est très complexe à définir, mais il a sûrement quelques implications en rapport avec le développement et l’avancée technologique que nous pensons être des catégories importantes à repenser et auxquelles faire face comme défi. Les régions du Sud (Amérique Latine, Afrique et une grande partie de l’Asie), n’ont pas la même relation avec la « révolution numérique » et la technologie que les pays du Nord, et pourtant, il n’y a pas ou il y a très peu de dialogue entre ces espaces. Pour nous, participer à ce nouveaux concours d’art numérique est une opportunité d’étendre les discours et les pratiques autour des arts numériques et de créer de nouvelles possibilités d’expérimentation, d’exploration et de création. Nous sommes très excités de voir cette collaboration se faire, et espérons que cela conduira à de nouveaux projets car cela fera la visibilité de Plataforma Bogotá en Afrique, sur la scène de l’art numérique africain, comme un espace qui veut établir des ponts de collaboration.

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